3 Cancérisation

Un cancer est une pathologie caractérisée par la présence d’une ou de plusieurs tumeurs malignes formées à partir d’une cellule initialement normale mais ayant subi et accumulé des mutations. Le cancer perturbe le fonctionnement de l’organisme jusqu’à la mort du patient.

I / Mécanismes de la cancérisation

La cancérisation démarre toujours par l’apparition d’une lésion dite précancéreuse.

Les tissus touchés montrent en général une dysplasie c’est-à-dire un ensemble de divisions anarchiques de cellules bénignes.

Exemple de dysplasie au niveau d’une paroi gastrique :


 

Source : Dysplasie gastrique de haut grade - intermed mag.jpg par Nephron via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:High_grade_gastric_dysplasia_-_intermed_mag.jpgmuqueuse gastrique normale intermed mag.jpg par Nephron via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0,https://en.wikipedia.org/wiki/File:Normal_gastric_mucosa_intermed_mag.jpg

 

Si la dysplasie est de faible grade, c’est-à-dire qu’elle touche moins d’un tiers des tissus, on observe alors dans 60 % des cas une disparition spontanée de cette lésion et on ne parlera pas de cancer.

Si la dysplasie atteint un haut grade,  c’est-à-dire qu’elle s’étend sur plus d’un tiers du tissu alors il y a un risque d’accumulation d’anomalies génétiques aboutissant à l’apparition de cellules malignes. Ces dernières vont subir des divisions indéfinies en raison de leur perte de leur inhibition de contact : malgré l’absence de places disponibles et malgré le contact oppressant des cellules voisines, elles continueront à se diviser de manière indéfinie. La lésion cancéreuse est apparue.

Un cancer évolue en plusieurs stades :

•         le stade zéro correspond à une multiplication de cellules malignes dans une zone restreinte, on parle de « cancer non invasif in situ ».

•         Le stade 1 correspond à l’apparition dans le tissu concerné d’une masse délimitée de cellules malignes appelées « tumeurs ». Le médecin parlera de « tumeur in situ ».

•         Le stade 2 correspond un cancer non invasif dû à la présence d’une tumeur délimitée mesurant 1 à 2 mm de diamètre. À ce stade les cellules malignes ayant besoin de dioxygène et de glucose comme toutes les cellules, vont libérer des molécules à l’origine d’une néoangiogénèse : des vaisseaux vont se former pour alimenter la tumeur.

•         Au stade 3, la tumeur alimentée par les nouveaux vaisseaux sanguins va grossir et envahir les tissus. On parle de « cancer invasif ».

•         Le stade 4 correspond à l’acquisition de la mobilité des cellules cancéreuses : celles-ci vont se détacher de la tumeur, circuler dans la lymphe et les vaisseaux sanguins pour former des tumeurs secondaires appelées métastases. Plusieurs organes sont alors touchés et plus aucun traitement curatif n’est possible, le cancer est dit « généralisé ».

·         Le stade terminal correspond au dysfonctionnement généralisé de l’organisme amenant au décès.

Stade de cancérisation :

 

 

©RS.2019

 

Les lésions cancéreuses peuvent avoir des conséquences différentes en fonction des mutations accumulées et des organes touchés. Quand il y a perte de fonction de l’organe, c’est que les cellules de celui-ci n’assurent plus leur rôle bien souvent raison du fait que les cellules cancéreuses les étouffent. Parfois au contraire les cellules entrent en hyperactivité : nous allons donc observer une hypersécrétion de protéines ou d’hormones, perturbant le fonctionnement de l’organisme.

 

II Les facteurs génétiques

Les cancers sont toujours liés à des mutations, qu’elle soit héritées ou qu’elles apparaissent en cours de vie.

A/ Mutations héritées

Les mutations héritées concernent 5 à 10 % des cancers. Elles multiplient, chez les personnes qui les possèdent, la susceptibilité de développer un cancer.

Parmi les gènes de prédisposition mutés et identifiés, on peut citer des gènes liés au cancer du sein et de l’ovaire, le gène BRCA1 situé sur le chromosome 17 et le gène BRCA2 situé sur le chromosome 13.

Ces deux gènes sont impliqués dans la réparation des cassures des doubles brins d’ADN. L’étude des arbres généalogiques des familles concernées par ces cancers montre que les allèles mutés sont dominants.

Les études statistiques montrent qu’une femme possédant les allèles non mutés a 12 % de risque de développer un cancer du sein contre 45 % dans le cas d’une femme présentant une mutation sur BRCA2 et 65 % dans le cas d’une mutation sur BRCA1.

Présence du cancer du sein dans une famille :

Source : PedigreechartC.png Auteur: Huijts , grâce au pedigree initial de Rozzychan . via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0, https://en.wikipedia.org/wiki/File:PedigreechartC.png

 

B/ Mutations en  cours de vie

Ces mutations peuvent être soit spontanées soit induites. Elle concerne des gènes dits « gènes de prédisposition » car ils sont susceptibles de subir au cours de la vie de l’individu des mutations à l’origine de cancer.

On va parler de gène « oncogène » quand ce gène peut être touché par une mutation à l’origine d’une surexpression provoquant l’apparition d’un cancer. On peut citer par exemple le cas du gène R.A.S. responsable de la production d’une protéine R.A.S.

Cette protéine, qui est inactive en temps normal dans le cytoplasme, est activée par les récepteurs membranaires de facteurs de croissance EGF (facteur de croissance épidermique) lors de la fixation de celui-ci. La protéine R.A.S activée pénètre dans le noyau et intervient dans l’activation des gènes de division, enclenchant ainsi la croissance de l’individu.

Ainsi une cancérisation suite à une hyperactivité de la protéine R.A.S. peut avoir deux origines :

•         une mutation induisant une surexpression du récepteur à l’hormone de croissance déclenchant une suractivation de la protéine R.A.S. et de surcroît une suractivation des gènes de division cellulaire.

•         une mutation du gène R.A.S. à l’origine de la production d’une protéine R.A.S. non pas inactive mais directement active. Dans ce cas l’activité de la protéine R.A.S n’est plus sous le contrôle du facteur de croissance. Il y a alors trop de protéines R.A.S qui pénètrent dans le noyau activant ainsi des gènes de division cellulaire.

Protéine R.A.S et divisions cellulaires

 

©RS.2019

Il existe également des gènes "anti-oncogènes"  ou gènes suppresseurs de tumeur qui empêchent l'emballement de la division cellulaire, comme par exemple le gène de la protéine p53. En temps normal l’allèle non muté est dominant. Il est responsable de la production d’une protéine p53 intervenant dans la régulation du cycle cellulaire.

Lors du cycle cellulaire, le passage de la phase G à la phase S (phase de synthèse de l’ADN) se fait sous l’action d’une enzyme appelée CDK2-cycline. Il existe un point de contrôle entre le passage de la phase G et la phase  S qui vérifie l’état de l’ADN.

Si l’ADN présente des cassures ou des anomalies de réplication l’entrée en phase S sera bloquée par l’inactivation de l’enzyme CDK2-cycline grâce un inhibiteur, la protéine P 21. Cette protéine P 21 n’est donc produite qu’en cas de lésion de l’ADN.

Point de contrôle du cycle cellulaire :

Source :  Cell Cycle 2.png par Zephyris sur Wikipedia anglais via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0-migré-avec-clauses de non-responsabilité, modifié par Sandra Rivière https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cell_Cycle_2.png

 

Quand une lésion est détectée, une enzyme ATM est recrutée : son action va consister à phosphoryler l’inhibiteur MDM2 d’une protéine p53 afin de libérer celle-ci. Cette dernière peut alors jouer son rôle de facteur de transcription de la protéine p21: elle se fixe sur le promoteur du gène p21 permettant la fixation de l’ARN polymérase sur celui-ci. Il y a donc production de la protéine p21 à l’origine de l’inhibition de la CDK2-cycline bloquant de ce fait le cycle cellulaire.

Cela laissera le temps à d’autres enzymes de réparer l’ADN. Si celui-ci n’est pas réparable, la cellule entrera en apoptose (suicide cellulaire). Quand l’ADN sera réparé, la protéine p53ne sera plus libérée, p21 ne sera plus produite, l’inhibition de la CDK2-cycline s’arrêtera et le cycle cellulaire reprendra.

 

Régulation de la production de la protéine p21 par la protéine p53

Source : Protéines cibles ATM (nouveau) .png, par Cellular Biochemistry II ( présentation ) via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-3.0 modifié par Sandra Rivière, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ATM_target_proteins_(new).png

 

Si le gène de la protéine p53 est muté alors la protéine p53 se sera pas fonctionnelle et ne pourra se fixer sur le promoteur du gène de la protéine p21 inhibitrice de la CDK2-cycline. La transcription et la traduction du gène p21 ne pourra se faire et aucun inhibiteur p21 ne pourra bloquer la CDK2-cycline et donc le cycle cellulaire à son point de contrôle : l’ADN lésé sera recopié et la cellule transmet la mutation. De plus la cellule ne possédant de fait aucun inhibiteur, l’action de la CDK2-cycline ne sera jamais régulée et on observe des divisions cellulaires anarchiques.

La protéine p53 joue donc un rôle anti-oncogène et toute mutation sur son gène sera à l’origine d’une possible cancérisation.

 

III Les facteurs environnementaux

L’alimentation est responsable de 30 à 40 % des cancers. L’obésité joue un rôle dans 4 % des cancers notamment les cancers hormono-dépendants car il y a une augmentation de production d’œstrogènes dans la graisse. Si l’indice de masse corporelle est supérieure à 30, on remarque une augmentation d’un tiers le risque de mourir d’un cancer.

 

Les agents mutagènes sont nombreux :

•         l’alcool est responsable d’un état inflammatoire permanent favorisant l’apparition des cancers

•         le tabac quand il se consume libère du benzopyrène altérant l’ADN

•         les rayonnements de type UVB ou rayons gamma sont à l’origine de mutations

•         l’inhalation de fibres d’amiante est à l’origine de cancer broncho-pulmonaires.

 

Certains agents pathogènes peuvent également être responsables de l’apparition de cancers. On peut citer par exemple la famille des virus de l’herpès HPV qui est responsable de 82 % des cancers du col de l’utérus.

Virus HPV et cancer du col de l’utérus :


Source : Wikipedia canceruterus.gif par Remy brossel via Wikimédia Commons,   CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Wikipedia_canceruterus.gif?uselang=fr

 

Les virus de l’hépatite B ou d’hépatite C sont à l’origine de cancer du foie. Certaines bactéries comme Helicobacter pylori sont responsables du cancer de l’estomac. Enfin on connaît certains parasites comme la douve de Chine qui se loge dans le foie et peut provoquer un cancer.

 

 

IV / Moyens de lutte

 

A/ Prévention et protection

 

Les gestes d’hygiène les plus simples sont le premier moyen de lutte contre les cancers. Il faut éviter le contact avec certains agents pathogènes et se protéger des agents mutagènes (masque, gants, lunettes, crème solaire…).

Le dépistage régulier permet de détecter à un stade précoce toute lésion précancéreuse, de la surveiller et ainsi de démarrer un traitement précoce en cas d’apparition de tumeurs malignes.

La vaccination est également un moyen fort de prévention. Aujourd’hui il est possible de se vacciner contre les virus responsables de cancer du col de l’utérus ou des virus responsables de l’hépatite B.

Enfin la consommation d’aliments protecteurs comme les fruits et légumes riches en vitamines est fortement recommandée. De plus les patients se verront recommandés de limiter les aliments riches en sucre et en graisses saturées fournisseurs d’énergie aux cellules cancéreuses tout comme l’alcool. Les viandes rouges et charcuteries devront également être moins consommées en raison de la présence de conservateurs, les nitrates, transformés par le foie en molécules cancéreuses appelées microsamines.

 

 

B/ Études épidémiologiques

Les études statistiques permettent de déterminer la prévalence des cancers à différentes échelles (mondiales, régionales). Cela permettra d’adapter les moyens de prévention et de protection en fonction des régions.

Les études pangénomiques permettent de rechercher des liens entre l’apparition des cancers et la présence de variations génétiques particulières chez les malades et appelées SNP (single-nucleotid-polymorphism, mutation ne concernant qu’un seul nucléotide).

Un SNP :


 

source : Dna-SNP.svg par David Eccles ( Gringer ) via Wikimédia Commons, CC-BY-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dna-SNP.svg

On peut citer comme exemple le lien entre l’apparition de cancers et de nombreux SNP dans le domaine de la fixation sur le promoteur de la protéine p53. (voir chapitre précédent, Patrimoine génétique et santé).

 

 

C/ Traitements

Concernant les traitements, on distingue les soins palliatifs et les soins curatifs.

Les soins palliatifs consistent à soigner les symptômes de la maladie mais ils ne peuvent en aucun cas soigner le problème de fond. Cela peut se faire selon les cancers traités par des actes de kinésithérapie, l’usage d’antibiotiques dans le cas d’un système immunitaire fragilisé, d’antidouleurs puissants…

Les soins curatifs consistent à soigner la cause et non les symptômes de la maladie.

On distingue les soins curatifs locaux :

-          une chirurgie pour retirer les tumeurs,

-          une radiothérapie c’est à dire une irradiation externe ciblant les tumeurs à travers la peau

-          une curiethérapie qui consiste à placer un isotope radioactif à l’intérieur ou à proximité immédiate de la zone à traiter

Il existe des soins curatifs dits « systémiques » car touchant l’ensemble de l’organisme :

•         la prise de comprimés d’iode radioactive dans le cas des cancers de la thyroïde, celle-ci se fixant sur les cellules et les détruisant

•         la chimiothérapie qui consiste à utiliser par voie intraveineuse certaines substances chimiques détruisant les cellules cancéreuses

•         l’immunothérapie qui consiste à injecter des anticorps dirigés contre les cellules cancéreuses afin d’aider le système immunitaire à les éliminer.

 

On parle de rémission lorsque le cancer est en régression et que l’état du patient s’améliore : la maladie ne s’exprime plus. Le patient peut cependant faire des rechutes. Mais dans le cas où le traitement est efficace on peut observer une rémission complète c’est-à-dire une guérison.


 

Carte Mentale

 

Cancérisation - SVT - SANTE 1ère spé #3 - Mathrix

Date de dernière mise à jour : 22/05/2021