4 Antibiorésistance

Si les moisissures sont utilisées depuis l’Antiquité pour soigner des blessures, le premier antibiotique a été découvert par Alexander Fleming en 1928. En revenant de vacances, il trouva une de ses boîtes de culture de staphylocoque contaminée par un champignon Penicillium notatum étudié  par son voisin de paillasse. 

Alexander Fleming

source : Production synthétique de pénicilline TR1468.jpg, Il s'agit de la photographie TR 1468 des collections des musées impériaux de la guerre . via Wikimédia Commons, Domain public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Synthetic_Production_of_Penicillin_TR1468.jpg

Penicillium notatum

source : Penicillium notatum.jpg par Crulina 98 via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Penicillium_notatum.jpg?uselang=fr

Penicillium Spp..jpg par Dr. Sahay via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Penicillium_Spp..jpg

Quand il voulut stériliser les boîtes, il remarqua que ce champignon avait provoqué la disparition des bactéries en culture dans cette boîte. Il a donc émis l’hypothèse que le champignon avait libéré dans le milieu une substance qui détruisait les bactéries.

I Structure des bactéries

Les bactéries sont des êtres vivants unicellulaires procaryotes c’est-à-dire sans vrai noyau. Elles possèdent du matériel nucléaire mais pas de membrane nucléaire. Leur unique chromosome est circulaire et mesure 1 mm de long. 

Structure d’une bactérie : 

source : Average prokaryote cell- fr.svg par Mariana Ruiz Villarreal LadyofHats, translated by Chandres via Wikimédia Commons, domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Average_prokaryote_cell-_fr.svg?uselang=fr

Les bactéries peuvent posséder des ADN de petite taille et circulaires, non indispensable à la vie. On les nomme plasmides.

Ils se répliquent indépendamment et plus rapidement que le chromosome bactérien. On les détecte quand les gènes qu’ils possèdent, confèrent à la bactérie des caractères nouveaux. Les plasmides peuvent être échangés entre deux individus, c’est le phénomène de la conjugaison bactérienne. Une bactérie va se connecter à une autre en produisant un pili par lequel une réplique du plasmide va pouvoir circuler. La bactérie recevant le plasmide développera ainsi de nouveaux caractères identiques à ceux de la première.

Conjugaison chez les bactéries :

source: Conjugative plasmids.png par Utilisateur Magnus Manske sur en.wikipedia Originaire de en.wikipedia ;  via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-3.0-migré, , https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Conjugative_plasmids.png

II Action des antibiotiques et antibiogrammes

Les antibiotiques sont des substances produites par des bactéries et des champignons et qui ont pour but à l’origine de les aider à protéger leur territoire. Les antibiotiques agissent à différents niveaux :

-          inhibition de la fabrication de la paroi bactérienne et/ou destruction de la membrane plasmique : famille des bêta-lactamines comme la pénicilline, l’amoxicilline ou la polymyxine

-          inhibition de la réplication : famille des quinolones

-          inhibition de la transcription : la rifampicine

-          inhibition de la traduction : famille des tétracyclines

-          actions antimétabolites en empêchant les réactions enzymatiques.

Pour tester l'action d'un antibiotique sur une population bactérienne, on réalise un antibiogramme : c'est une culture de bactéries sur un gélose nutritive versée dans une boîte de pétri et sur laquelle on dispose des pastilles d'antibiotiques. 

Un antibiogramme :

source : Antibiogramme.jpg Transféré de fr.wikipedia à Commons par Bloody-libu utilisant CommonsHelper Le téléchargeur d'origine était Philippinjl sur Wikipedia n via wikimédia commons, français ., CC-BY-SA FR; CC-BY-SA-2.0-FR. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antibiogramme.jpg

Tous les antibiotiques n’agissent pas forcément sur toutes les bactéries.

L’institut Pasteur est chargé de les tester et définit ainsi leur spectre d’action. Certains antibiotiques agissent sur plusieurs catégories de bactéries et seront qualifiés d’antibiotiques à large spectre alors que d’autres n'agissent que sur une seule catégorie de bactéries.

Pour chaque antibiotique, et ce pour chaque espèce bactérienne, il est défini une concentration critique inférieure CCI et une concentration critique supérieure CCS. Ces deux concentrations correspondent aux concentrations minimales et maximales efficaces contre les bactéries en question et que l’on peut donner à un patient sans danger.

Si la concentration en antibiotiques donnée au patient est plus importante que la concentration critique supérieure alors l’antibiotique présentera une toxicité pour l’individu.

La concentration en antibiotique donnée au patient pour qu'elle soit efficace sur les bactéries qui l'infectent doit être au moins égale à la CCI mais dans tous les cas inférieure à la CCS.

L’institut Pasteur détermine sur un antibiogramme, les distances auxquelles on va retrouver la CCI et la CCS dans une plage de lyse ou plage d’inhibition en se servant du principe de diffusion de l’antibiotique dans la gélose : au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la pastille d’antibiotique, la concentration en celui-ci diminue et est inversement proportionnelle à la distance à la source. On parle de gradient de concentration. Ainsi le diamètre du cercle correspondant à la CCS sera forcément plus petit que le diamètre du cercle correspondant à la CCI : la CCS sera forcément plus proche de la pastille d’antibiotiques que la CCI.

Les deux associations de valeurs (diamètre et concentration critiques inférieures et supérieures) permettent de tracer un graphique représentant l’évolution du diamètre de la plage de lyse ou de la zone d’inhibition en fonction des concentrations en antibiotiques.

Pour déterminer donc quel antibiotique sera efficace sur une souche bactérienne, il faut réaliser un antibiogramme et mesurer les diamètres des plages de lyse et les comparer avec les diamètres de la CCI et de la CCS pour l'antibiotique testé.

La limite de la plage de lyse correspondra à ce qu'on appelle la CMI, la concentration minimale inhibitrice en microgrammes par millilitres nécessaires à l’élimination de bactéries pour un antibiotique donnéLa CMI correspond à la plus faible concentration d’antibiotique qui inhibe la croissance bactérienne. Elle définit la sensibilité de la bactérie. Le technicien mesure le diamètre d’une plage de lyse et la reporte dans le graphique : la lecture de celui-ci lui donnera la valeur de la CMI. 

Si la CMI est inférieure à la CCI (diamètre de la plage de lyse plus grand que celui de la CCI, cas n°1 sur le document précédent) cela signifie que le traitement recommandé sera efficace car le patient disposera dans son sang d’une concentration en antibiotique supérieure à la concentration nécessaire à l’inhibition de la bactérie. La souche bactérienne est qualifiée de sensible.

Si le diamètre de la plage de lyse est tel qu’il indique une CMI supérieure à une CCS (diamètre de la plage de lyse plus petit que celui de la CCS, cas n°2 sur le document précédent), alors le traitement nécessitera des doses telles qu’elles en seront toxiques pour le patient. La bactérie est qualifiée de résistante et il faudra envisager un autre traitement.

Si le diamètre de la plage de lyse indique une CMI comprise entre la CCI et la CCS (diamètre de la plage de lyse plus petit que celui de la CCI et plus grand que celui de la CCS, cas n°3 sur le document précédent), la souche bactérienne est dite intermédiaire : elle possède à la fois des individus sensibles et résistants. Il faudra alors être vigilant sur le choix du traitement.

Quand on prend un traitement antibiotique, c’est dans les quatre heures qui suivent la prise du comprimé que l’on  va mesurer la concentration maximale d’antibiotiques dans le sang. Au-delà de quatre heures, le foie dégrade l’antibiotique et sa concentration sanguine diminue. Il faut donc faire en sorte que la concentration sanguine en antibiotique soit suffisante pour limiter la multiplication des bactéries.

Si la concentration en antibiotiques est inférieure à la CMI, le traitement n’aura pas d’effet sur la population bactérienne.

Si la concentration maximale est supérieure à la concentration de prévention des mutants (CPM) toutes les bactéries seront éliminées. Cependant cette CPM ne doit pas être supérieure à la CCS sinon la molécule sera toxique pour le patient.

Si la concentration sanguine en antibiotiques est comprise entre la CMI et la CPM, les bactéries sensibles seront éliminées et les bactéries résistantes vont être conservées. On va être confronté un mécanisme de sélection « naturelle » provoquée par une action humaine. Ainsi les médecins vont déterminer une fenêtre de sélection des mutants comprise entre la CMI et la CPM. Ainsi quand sur un antibiogramme, on trouve une CMI intermédiaire entre une CCI et une CCS, c’est que l’on est en présence d’une souche intermédiaire et il faut changer d’antibiotique.

Sélection de mutants résistants :

source : Antibiotic resistance-fr.svg par via wikimédia commons, Wykis (http://common, domain epublic, s.wikimedia.org/wiki/File:Antibiotic_resistance.svg) for the English file I've translated. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antibiotic_resistance-fr.svg?uselang=fr

C’est pour cette raison que lors des prélèvements et des demandes d’antibiogrammes, le technicien de laboratoire teste plusieurs antibiotiques simultanément pour déterminer lequel possède une CMI la plus acceptable.

Le technicien dispose de ce que l’on appelle un abaque de lecture de résultats d’antibiogramme. Dans ce tableau, sont répertoriés pour chaque catégorie de bactéries et pour chaque antibiotique testé à des concentrations différentes, les diamètres critiques et les concentrations critiques.

Il suffit alors au technicien de comparer les diamètres des plages de lyse et de déterminer rapidement le caractère sensible, résistant ou intermédiaire de la souche cultivée. 

Quelques valeurs de concentrations critiques d’antibiotiques sur deux souches bactériennes (abaque de lecture) : S = sensible, R = résistance

sources : Abaque de lecture : http://disciplines.ac-montpellier.fr/biotechnologies/sites/sti3/files/microbiologie/tableau_conc_critique_eucast_2018.pdf

Le technicien va ensuite transmettre au médecin uniquement l’état de sensibilité des bactéries du patient face aux différents antibiotiques. Le médecin adaptera sa prescription en fonction de l’état de santé du patient et de ses autres traitements.

Résultats d’un test transmis au médecin:

source : ECBU antibiogramme.jpg par Grook Da Oger via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ECBU_antibiogramme.jpg?uselang=fr

III Résistance aux antibiotiques

C’est important de respecter les prescriptions fournies par les médecins parce qu’aujourd’hui nous sommes confrontés à des souches de plus en plus résistantes car nous avons par le passé abusé de l’usage des antibiotiques.

Aujourd’hui en Europe, les pays qui présentent le plus de cas de résistance au staphylocoque doré sont les pays qui ont le plus abusé des antibiotiques par le passé. En effet dans les années 70 à 80, la production industrielle d’antibiotiques couplée à une absence d’anticipation sur les conséquences de leur utilisation à grande échelle, a permis à un nombre considérable de souches bactériennes de devenir résistantes.

Les gènes de résistance ne sont pas apparus suite à l’utilisation des antibiotiques. Pour la plupart, ils existaient auparavant et correspondaient à des mutations spontanées. Utilisation des antibiotiques a permis une sélection des bactéries présentant un gène de résistance. Les populations sélectionnées se sont multipliées et ont été à l’origine de souches à 90 % résistantes. Le problème est que les gènes de résistance ont été identifiés sur les plasmides. De ce fait les gènes de résistance peuvent être transmis lors de la conjugaison bactérienne au sein d’une même population bactérienne mais également avec les bactéries d’espèces différentes. Ainsi depuis quelques années apparaissent de nombreuses souches résistantes.

Les antibiotiques ne sont pas seulement à destination humaine : pendant longtemps ils ont été utilisés en prévention dans les élevages intensifs ( il vaut éviter que des vaches ne tombent malades, car une vache malde et c'est tout le troupeau qui est contaminé et la viande peut être alors perdue !).

Cet usage abusif des antibiotiques a procédé à une sélection naturelle au sein du microbiote de ces animaux, sélectionnant ainsi chez eux des mutants résistants. Ces mutants résistants se retrouvent sur les produits dérivés de ces élevages et peuvent nous contaminer provoquant ainsi chez nous des infections contre lesquelles nous ne pouvons lutter. De plus l’accumulation d’antibiotiques dans les chairs fait que nous ingérons malgré nous de fortes doses d’antibiotiques modifiant au passage notre microbiote et créant chez nous des mutants résistants. De ce fait de plus en plus d’industriels retirent les antibiotiques de leur système de production.

Apparition de l’antibiorésistance:

source :  Ar-infographic-950px.jpg par CDC via wikimédia commons, domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ar-infographic-950px.jpg



 

Et cela devient impératif car aujourd’hui nous sommes confrontés à une  circulation de l’antibiorésistance. Cette dernière est à l’origine des infections dites nosocomiales. Ces infections acquises dans des établissements de soins contaminés par des souches antibiorésistantes, représentent 5 à 10 % des infections déclarées en France chaque année et sont responsables de 4000 décès par an.

Circulation de l’antibiorésistance:

source : TangledwebSaureus-gl.png par Tara C. Smith via Wikimédia Commons, CC-BY-SA-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:TangledwebSaureus-gl.png

De plus on voit aujourd’hui apparaître des doubles résistants. Ils ont été identifiés tout d’abord dans les hôpitaux puis quelques années après dans les milieux naturels en raison de la circulation de l’antibiorésistance. La formation de doubles résistants résulte une fois de plus d’un principe de sélection naturelle : une souche sélectionnée par action d’un premier antibiotique peut très bien subir des mutations spontanées qui lui confèrent une résistance à un deuxième antibiotique.

D’ici 2050, on estime à 10 millions le nombre de cas de décès dans le monde liés à une antibiorésistance contre 700 000 aujourd’hui. Nous devons donc utiliser les antibiotiques avec parcimonie et scrupuleusement respecter les traitements si nous ne voulons pas perdre cette guerre invisible.

 Statistiques liées à l’antibiorésistance (AMR):

source : AntimcrresUKreview2.jpg par Jim O'Neill Président de la Revue sur la résistance aux antimicrobiens via Wikimédia Commons, CC-BY-4.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AntimcrresUKreview2.jpg


 

Antibiorésistance - SVT - SANTÉ 1ère spé #4 - Mathrix

Date de dernière mise à jour : 22/05/2021